Focus arts graphiques : l’illustration scientifique

par | 22 Oct 2021 | Dessin et peinture | 0 commentaires

Une balade avec le vivant

     Il m’arrive de me promener dans les jardins et les musées de Paris. Je me plais à errer entre les statues des Tuileries, avant d’entrer admirer la myriade d’œuvres du Louvre. Aujourd’hui, je me dirige vers le Muséum national d’Histoire naturelle. Je pénètre dans la grande galerie de l’Évolution et avance humblement dans ce condensé de l’histoire de la vie terrestre. Je passe devant divers fossiles et squelettes de dinosaures tous plus imposants les uns que les autres. Puis je longe le fameux convoi d’animaux qui traverse la galerie, mené par un somptueux éléphant aux défenses nonchalamment pointées vers l’avant.

     Je poursuis mon périple au cœur de cette faune figée dans le temps, et remarque Mathilde, carnet et crayons en main, devant un diorama dans lequel un écureuil furète dans l’herbe, oreilles et queue dressées, comme aux aguets. La curiosité me pousse à regarder par-dessus son épaule, et j’observe sur son carnet une représentation parfaite du sciuridé. Chaque poil du pelage de l’animal semble représenté, tout comme la moindre nuance de couleur dans sa fourrure. Mathilde est illustratrice scientifique, et aujourd’hui elle a décidé de représenter ce rongeur qui, dans le tumulte des grands prédateurs et du flot humain qui l’entourent, s’est habitué à passer inaperçu.

     Superposant les couches de crayons de couleurs, elle crée des nuances, patiemment, jusqu’à atteindre le résultat le plus réaliste possible. Souvent, Mathilde arrête le mouvement frénétique de son crayon, et prend le temps d’observer son sujet. Elle tourne autour pour s’imprégner de chacun des angles de vue, en capte chacune des spécificités. Dans son travail se mêlent les influences de ses aînés : le célèbre lièvre d’Albercht Dürer, l’attitude des animaux d’Henri Rousseau, la finesse du trait de Nicolas Huet le Jeune, qui, dans les premières années du XIXe siècle, peignait les animaux de la ménagerie du Muséum où elle se trouve actuellement.

     Cette rencontre m’a laissé rêveur, et je me dirige vers le Jardin des plantes. Je marche et me délecte des senteurs florales qui inondent les allées, tandis qu’abeilles et bourdons se délectent du pollen des quelques fleurs qui ont survécu aux premières fraîcheurs. Je m’approche de la grande serre art déco de René Berger. J’entre dans la chaleur tropicale de l’immense structure de verre et le froid automnal de l’extérieur me semble déjà être un lointain souvenir. Je vogue entre les palmiers et bananiers, m’arrêtant çà et là devant les couleurs exotiques d’une orchidée ou d’un ficus. Je pensais être seul, mais une silhouette immobile se tient dans l’allée d’à côté.

     Devant les diverses espèces de tillandsias et leurs feuilles aux faux airs d’ananas, Camille frotte sa mine graphite contre les fibres de son papier. Chaque nervure des longues feuilles de la plante sont représentées, chaque ombre est rendue par un jeu de pression sur la mine de carbone. Une fois de plus bousculé par tant de réalisme, je reste béat devant la représentation parfaite en teintes de gris de cette plante qui végète à quelques centimètres de moi. Camille est illustratrice botanique, et ce dessin entrera parfaitement dans sa série d’illustrations des plantes de la famille des tillandsias.

Deux nouveaux cours pour découvrir le dessin scientifique

     Discipline ancestrale de l’histoire de l’art, la représentation des plantes et des animaux a toujours accompagné l’Histoire au sens large. Les représentations du biologiste Ernst Haeckel ont par exemple grandement contribué à l’acceptation de la théorie de l’évolution de Darwin en Europe. De nos jours, représenter la biodiversité permet de la valoriser et de la rendre accessible à travers des techniques artistiques d’un réalisme impressionnant, en travaillant par exemple auprès de musées, de laboratoires de recherche, de magazines spécialisés ou de jardins botaniques.

     Pour mettre en avant cette discipline et partager ces techniques de dessin réaliste, Mathilde Cathelain, illustratrice scientifique à Montpellier SupAgro, et Camille Charnay, illustratrice botanique, ont foulé le plateau de tournage d’Artesane pour vous proposer respectivement un cours sur le dessin scientifique animalier, et un cours sur le dessin botanique à la mine graphite. À la croisée des sciences et des arts plastiques, captant toute la poésie qu’offre la nature et la figeant sur papier, Camille et Mathilde vous guident dans les pas des grands illustrateurs et naturalistes pour créer des œuvres d’art à partir de l’observation et de l’analyse scientifique des plantes et des animaux.

Devenir illustrateur scientifique

     Mathilde Cathelain m’a donné quelques conseils pour celles et ceux qui désireraient s’orienter vers le dessin scientifique. Elle a insisté sur le fait que n’importe qui peut se spécialiser dans ce type d’illustration s’il en a la volonté et des bases de dessin classique. Le meilleur moyen de s’exercer, selon sa propre expérience, est de se rendre dans les laboratoires des universités de médecine, afin de travailler d’après des modèles humains, ou dans les musées et notamment au Muséum national d’Histoire naturelle qui comprend un département de dessin scientifique, afin de dessiner d’après des modèles d’animaux taxidermisés.

     Si vous avez quelques notions de base en anatomie ou en dessin d’observation, ou si vous avez déjà une formation classique en arts, Mathilde vous suggère de vous spécialiser par le biais de stages dans des institutions scientifiques. Cependant, l’école Estienne propose également un diplôme supérieur en arts appliqué d’illustration scientifique. Cette formation est néanmoins très sélective, avec seulement neuf places disponibles chaque année.

     Quant à elle, Mathilde a débuté son chemin vers l’illustration scientifique avec un cursus classique en arts visuels à l’école Saint-Luc de Bruxelles, où elle s’est dirigée vers le dessin scientifique par goût de la représentation du réel et du vivant. Remplissant carnet après carnet, passant de musée en musée, elle a pu se rendre compte de toutes les possibilités permises par cet art. Mathilde travaille désormais à l’institut agro de Montpellier, où elle réalise des projets variés, de l’animation vidéo d’insectes à des illustrations botaniques et microscopiques très détaillées.

     L’illustration scientifique est donc une discipline artistique très variée, où rigueur et patience sont de mise, et qui offre une représentation très réaliste du réel avec un apport pédagogique et didactique très important pour rendre les sciences accessibles. Je tiens à remercier Camille Charnay et Mathilde Cathelain pour le partage de leur vision professionnelle de cet art, et je vous dis à bientôt chez Artesane !

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