Responsabilité et consommation textile

par | 13 Mai 2023 | Environnement, Mode et société | 0 commentaires

🕒 23 minutes

Le textile constitue la deuxième industrie la plus polluante au monde.
Selon certaines études, elle est même en passe de prendre la première place de ce sinistre classement. À l’échelle mondiale 8,1% des gaz à effet de serre sont émis par l’industrie de la mode : c’est comparable aux émissions de gaz à effet de serre du transport routier à la même échelle.

De ce postulat, nous voulions aller plus loin : pour interroger notre propre manière de consommer les textiles, il nous fallait appréhender la réalité de la pollution d’origine textile, il nous fallait comprendre ce qui n’allait pas pour tenter de faire évoluer nos propres habitudes. Notre esprit cartésien avait besoin de données, de faits, d’explications.

Face à nous, la jungle des labels, des certifications, des chartes d’engagement, des concepts…du bio au made in France en passant par l’éthique, le responsable, le durable, nous étions perdues. Que choisir, qui croire ? Devions-nous renoncer à certaines fibres textiles, à certains types de vêtements ?
Au-delà du constat, nous avions aussi besoin de solutions : pour les couturières, pour les adeptes du fait-main, quelle matière utiliser, quel comportement adopter ? Consommer mieux revenait-il à renoncer à notre passion pour la mode ? Était-il encore acceptable d’acheter du tissu ou des vêtements ?

Cet article « Les belles matières » est particulier puisqu’il vous propose un cheminement personnel, une réflexion sans conclusion pré-conçue, une enquête honnête : nous ne savons pas au moment où nous en écrivons les premières lignes quel en sera l’aboutissement. Nous pressentons simplement que chez Artesane comme ailleurs, il nous faudra prendre des décisions et faire évoluer nos habitudes.

Nous vous proposons donc d’essayer de comprendre les tenants et les aboutissants de la pollution textile puis de nous frayer une chemin dans la jungle des labels et autres certifications. Notre réflexion et nos solutions seront imparfaites. Notre discours dans cet article n’a aucune visée moralisatrice : nous cherchons simplement à comprendre et à faire mieux.

Le textile : une industrie polluante totale, de la fibre au vêtement

Si nous nous étions fiées à notre intuition, nous serions dès le départ passées à côté de notre sujet et ce à double titre :
– Nous aurions concentré nos recherches sur les fibres chimiques synthétiques et aurions témoigné toute notre confiance dans les fibres naturelles ;
– Nous aurions appréhendé la question de la pollution technique sous le seul angle de la production des fibres et nous aurions oublié le reste de la chaîne textile.

Or si la pollution textile est si importante, c’est parce qu’il s’agit d’une pollution totale, c’est-à-dire une pollution qui touche toutes les étapes de la production et qui peut être le fait des fibres naturelles autant que celui des fibres chimiques artificielles ou synthétiques…

Mesurer l’impact environnemental d’un textile à l’aune de la fibre dont il est issu

Nos a priori sont pardonnables…avouez-le, vous aussi, les mots vous induisent en erreur : comment penser que le terme « naturel » puisse donner lieu à une industrie polluante ? Comment imaginer que le coton et l’image fantasmée qu’il véhicule – la douceur, la santé, l’enfance – possède un impact environnemental aussi important
ou presque qu’un textile de polyester ?

  • Le cas d’une fibre naturelle : le coton

Et pourtant… la culture du coton est l’une des cultures les plus polluantes au monde : si elle ne couvre que 2,5% des surfaces agricoles de la planète, en revanche elle est à l’origine de la consommation de 25% des herbicides et 10% des pesticides utilisés mondialement.
C’est aussi une culture extrêmement consommatrice en ressources hydriques. La fabrication de coton requiert en moyenne 10.000 litres d’eau par kilogramme. Un tee-shirt de 250 grammes et un jean de 800 grammes nécessiteront respectivement 2.500 et 8000 litres d’eau simplement pour l’irrigation du coton… cette moyenne ne prend même pas en compte la fabrication des vêtements. Nous nous concentrons uniquement sur les besoins en eau pour produire le coton nécessaire.

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Ces moyennes peuvent du reste être bien plus élevées selon les régions de production et leurs conditions climatiques… En Inde, l’empreinte eau de la production de coton s’élève à 22.500 kg/eau. Ce qui va sans dire va mieux en le disant : ces quantités d’eau sont en suite chargées en composés toxiques issus des pesticides et des herbicides utilisés.

  • Le cas d’une fibre chimique artificielle : la viscose ou le lyocell

Les fibres artificielles sont souvent réputées « écolo » … encore une fois, c’est là le produit de l’image véhiculée par la ressource première qui compose ces fibres cellulosiques, c’est-à-dire de la cellulose de bois (bambou, hêtre, ou encore eucalyptus), de coton ou les dérivés de soja et de maïs.

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1. La viscose (et les fibres voisines telles que l’acétate ou la rayonne)

Pour mémoire, la viscose et la rayonne sont donc la résultante d’un procédé chimique : il s’agit de dissoudre de la matière végétale à l’aide d’acide sulfurique, de soude caustique et de disulfure de carbone. Ce dernier est notamment responsable de pathologies graves : anomalies congénitales, cancers, maladies coronariennes…

En 2017, la fondation Changing Markets avait publié les résultats d’une enquête sur dix des plus grands sites industriels de production de viscose, situés en Inde, en Chine, et en Indonésie et où se fournissent des marques telles qu’H&M, Zara, Inditex ou Mark&Spencers entre autres. Les résultats de cette enquête ont révélé l’impact dramatique des émissions de ces produits toxiques non seulement sur les ouvriers travaillant dans ces usines mais sur les populations résidant aux alentours.

2. Le lyocell

L’objectif de cet article n’est pas simplement de pointer du doigt nos mauvaises habitudes de consommation mais aussi de voir s’il existe des alternatives sérieuses et satisfaisantes… l’objectif n’étant pas que vous ne puissiez plus rien vous mettre sur le dos à la fin de cet article et que vous renonciez à tout jamais à la couture. Encore une fois, loin de nous l’idée de vous (et nous) culpabiliser.

Nous avons donc continué notre enquête sur les fibres artificielles, en creusant le cas du Lyocell. Il semble que cela puisse être une alternative intelligente à la viscose. Certes, nous sommes toujours confrontées à une fibre CELLulosique (de la fibre d’eucalyptus en l’espèce) transformée chimiquement par lyophilisation.
Néanmoins, le lyocell ne nécessite pas l’usage de disulfure de carbone ou d’acide sulfurique qui posaient problème dans le cas de la viscose. La soude caustique utilisée pour produire du lyocell est un composant chimique entièrement recyclable et réutilisable. Il en est de même pour le solvant NMMO entrant dans la composition du lyocell. En d’autre termes, la production de lyocell peut se faire en circuit fermé à 99%, l’eau utilisée peut être récupérée et le textile en lui-même est entièrement biodégradable.

Le lyocell est un procédé chimique dont le Tencel est l’application sur des forêts d’eucalyptus issues de plantations certifiées PEFC ou FSC. Ce même procédé gouverne la fabrication du Modal à partir de bois de hêtre et de Cupro à partir de résidus de coton. Ce sont donc d’excellentes alternatives à la viscose, la rayonne ou l’acétate

  • Le cas des fibres chimiques synthétiques : le polyester, l’acrylique, le polyamide et le polyuréthane
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Pour le cas des fibres chimiques, la problématique est inverse… nous avons la plupart du temps conscience de leur impact environnemental fort puisque nous savons d’où elles sont issues. Elles sont fabriquées à partir de substances pétrolifères, donc de ressources non renouvelables.

D’un point de vue pratique (facilité d’entretien, coût etc) et étant entendu que le polyester et ses dérivés sont parfois d’excellents tissus techniques, la question du remplacement de cette fibre ou de l’existence de polyesters de qualité est un sujet majeur.

Faisons tout de même un état des lieux en terme d’impact environnemental : outre la consommation de ressources non renouvelables, outre l’utilisation de produits toxiques, la polymérisation (procédé utilisé pour produire le polyester) rejette des particules plastiques au lavage, se rendant par là même responsable de l’importante pollution aux micro particules plastiques des océans. L’acrylique est fabriquée à partir de solvants tels que le cyanure d’hydrogène, à très haut niveau de toxicité pour les êtres humains. Il en est de même pour les Lycra, spandex et autres polyuréthanes : leur fabrication utilise des composants hautement toxiques et irritants. Bien entendu ces fibres ne sont pas biodégradables.

Il faut donc avoir en tête que les procédés de fabrication de ces fibres ne sont pas les seuls responsables de leur niveau d’impact environnemental négatif… leur utilisation ensuite contribue à augmenter cet impact : à chaque tour de machine à laver, un textile en polyester continue de polluer les eaux usées. Les particules de micro plastique qu’il libérera seront trop fines pour être filtrées par les usines de retraitement et s’accumuleront petit à petit dans nos océans, nos eaux fluviales, etc.

Face à ce constat, se pose donc la question du remplacement du polyester et des fibres chimiques composant pourtant plus de 49% des vêtements mondiaux… un pourcentage dont certaines associations, telles que Greenpeace, pensent qu’il est amené à doubler dans les dix prochaines années.

L’essor du polyester recyclé, rPET, est l’une des premières pistes envisageables : cette fibre est obtenue par la refonte et le refilage de plastique existant (bouteilles, récipients, etc). Certes, cinq bouteilles de plastiques, suffisent à produire un tee-shirt. Certes, la réutilisation des plastiques présente non seulement l’intérêt de ne plus produire de polyester mais aussi d’éviter les 8 millions de tonnes d’emballages plastiques déversées chaque année dans les fonds marins, ou la mise en décharge.

Par ailleurs, le polyester recyclé ne présente pas de différences quantitatives fondamentales avec le polyester vierge alors même que sa production consomme moitié moins d’énergie et permet donc de réduire les émissions de CO2 de près de 32% à isoparamètre.

Néanmoins cette solution présente des inconvénients qu’il convient d’évoquer :
– les fibres plastiques ne peuvent pas être recyclées à l’infini sans dégradation forte de la qualité ;
– il est parfois nécessaire d’injecter de la fibre vierge dans la fibre recyclée pour obtenir un produit fini correct ;
– le processus de recyclage est loin d’être neutre d’un point de vue environnemental ; les textiles recyclés nécessitent des agents de blanchiment à base de chlore et une utilisation d’eau importante ;
– enfin, le problème des microplastiques perdure : les textiles recyclés émettent ces particules fines de la même manière que les fibres de polyester vierges…

Nous avons évoqué les trois exemples les plus parlants en matière de pollution par la fibre… mais nous ne sommes de facto concentrés que sur une partie du problème. Circonscrire l’impact environnemental d’un textile à la fibre utilisée, c’est avoir une vision parcellaire de la pollution textile. De la fibre au vêtement, les occasions de pollution et plus largement d’impact environnemental sont nombreuses et comprendre le fonctionnement de cette chaîne horizontale de fabrication permet de modifier fondamentalement nos comportements.

De la fibre au vêtement : une chaîne horizontale et opaque

La production textile, notamment lorsqu’elle touche les fibres naturelles, telles que la filière coton, ne s’arrête pas à la production d’une fibre. Elle fonctionne de manière horizontale dans la majorité des cas : cela signifie qu’une multitude d’acteurs vont intervenir avant qu’un tee-shirt n’atterrisse dans votre penderie. Appréhender ce fonctionnement horizontal c’est comprendre ce qui pose problème et ce qu’il faut changer.

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Suivons donc le parcours de notre tee-shirt de coton :
Nous l’avons vu, la filière textile débute là où la graine est semée dans le cas où il s’agit de produire une fibre naturelle : la production de la fibre de coton brut constitue la première étape de notre parcours. Si on a évoqué au début de cet article la question de la culture de la fibre de coton, nous n’avons envisagé qu’une partie de son impact environnemental : celui généré par le gaspillage et la pollution des ressources hydriques ainsi que par l’utilisation de graines OGM (donc produisant des insecticides). Le coton est effectivement la plante dont la culture nécessite le plus de pesticides et d’herbicides et dans 80% des cas, la plante récoltée correspond à du coton BT c’est-à-dire du coton OGM.

Ces polluants peuvent être cancérigènes et peuvent détruire progressivement l’ensemble des écosystèmes régionaux qui les entourent. Néanmoins rappelons que l’environnement doit être appréhendé comme « l’ensemble des conditions naturelles et culturelles qui peuvent agir sur les organismes vivants et les activités humaines » : en d’autres termes, nous devons aussi mesurer l’impact sanitaire et politique et sociologique de la production de coton.

Cet impact est variable selon les pays mais il est impossible de passer sous silence le cas du coton ouzbek, cinquième exportateur mondial de coton. Chaque année, le gouvernement ouzbek contraint près d’un million de citoyen.nes à quitter leur emploi dans la fonction publique le temps des récoltes de coton. Médecins, infirmier.es, professeur.es, sont contraints à la récolte manuelle du coton, dans des conditions de travail dangereuses et parfois dégradantes, sous la surveillance constante des autorités. Le travail des enfants dans ces régions, longtemps monnaie courante, a certes régressé officiellement mais demeure une réalité selon de nombreuses organisations non gouvernementales.

Notre fibre de coton doit ensuite être filée : elle est transportée vers les usines de filage dont la majorité se situe en Inde, au Bangladesh, en Turquie ou en Chine. Des machines hautement perfectionnées sont capables de mélanger, d’assembler, peigner, séparer et étirer les fibres de coton. Les fibres filées sont ensuite envoyées dans les usines de tissage ou de tricotage : elles sont tissées ou tricotées mécaniquement puis blanchies et adoucies chimiquement.

Le blanchiment de la fibre de coton nécessite l’utilisation d’acide chlorhydrique, de trichloréthylène, ou de peroxyde d’hydrogène. Là encore, les conditions de travail dans ces usines sont fréquemment d’un autre âge : travail des mineurs la nuit, logement sur place insalubres, protection des voies respiratoires inexistantes.

Le cas des usines de filature bangladaises est révélateur : s’il existe un contrôle et des voies de recours auprès des pays ou des entités politiques avec lesquels le Bangladesh a des accords commerciaux en cas de non respect des conventions et des chartes édictées par l’Organisation Internationale du Travail, ces voies de recours concernent essentiellement les usines de confection de vêtements.
Un contrôle est exercé par les marques commanditaires et ce de manière plus systématique depuis la tragédie du Rana Plaza en 2013. Dans les cas des usines de filature, il n’y a pas d’acheteurs directs à accuser, le coton est filé puis envoyé aux usines de tissage ; enfin les usines dont seront clients les grands groupes seront les usines de confection. Cela implique deux problèmes :
– d’une part, outre les questions de pollution des eaux et de santé des ouvrier.es qu’elle soulève, l’étape du filage est intéressante parce qu’elle constitue le moment où l’on perd le plus fréquemment la trace du coton filé. En d’autres termes, les usines de filature peuvent acheter et mélanger des cotons de plusieurs origines ou intégrer du coton ouzbek dans les commandes sans que cela ne soit clairement mentionné ;
– d’autre part, il s’agit d’une étape « oubliée » c’est-à-dire d’une étape dont on mesure rarement les conséquences sociales, sanitaires, ou écologiques.

Certaines usines intégrées, c’est-à-dire des usines qui filent, tissent et confectionnent, utilisent du coton ouzbek tout en étant fournisseurs des grandes marques occidentales de vêtements : des groupes tels que Zara, Carrefour ou H&M qui s’engagent à ne pas acheter de cotons ouzbeks sont pourtant clientes d’une usine intégrée telle que Redeesha au Bangladesh.

Les étapes de teinture, d‘ennoblissement ou d’apprêt font partie des plus polluantes. Qu’elles soient effectuées sur le fil ou sur le textile, les teintures utilisées consomment de l’eau et des produits chimiques. Nous avons évoqué à plusieurs reprises les dommages sur leur environnement immédiat causés par les pesticides ou les traitements chimiques apportés aux fibres textiles. C’est évidemment toujours le cas à l’étape de la teinture, mais il est intéressant de rappeler que ces dommages vont aussi toucher le consommateur final du produit, l’utilisateur du vêtement ou du textile. En effet, les procédés de teinture, de lavage, d’impression ou de blanchiment nécessitent l’utilisation de métaux lourds (cadmium, chrome, mercure, plomb et cuivre) et de perturbateurs endocriniens, dont il restera des traces importantes sur le vêtement fini…

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Enfin, du champ à la filature, de la filature au tissage, du tissage à la confection et de la confection jusqu’au magasin… la matière première puis transformée de votre vêtement a pris plusieurs fois l’avion, le bateau, le train, pour arriver jusqu’à vous. En moyenne, elle a fait le tour de la terre et a parcouru 40.000kms, alourdissant une nouvelle fois son bilan carbone.

Gaspillage des ressources hydriques, émissions de CO2, pollution des eaux, de la faune et de la flore, exploitations humaines, dangers sanitaires… la première partie de notre réflexion sur l’impact environnemental de l’industrie textile aurait toutes les raisons de nous laisser désespérées et coupables.

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La question pour les équipes d’Artesane est pragmatique : quelles sont les voies que nous pouvons emprunter pour réduire l’empreinte environnementale de notre consommation de textiles (qu’il s’agisse de produits finis ou de textiles au mètre) ? Nos projets, nos patrons, nos cours vidéos peuvent être des sources d’inspiration, nos professeur.es sont prescripteurs auprès de toute une communauté d’élèves…comment concilier nos envies et nos contraintes dans nos choix de tissus et notre volonté de consommer et d’encourager à consommer mieux ? Quels textiles pouvons-nous et devons nous acheter désormais ?

Enfin, nous allons apprendre à recycler, à réparer, à réutiliser, à teindre : il y a sans doute mille et un cours à tourner sur le sujet. Nous vous donnons donc rendez-vous très vite pour vous proposer de faire évoluer ensemble nos habitudes de consommation sans pour autant renoncer à la qualité, au beau geste et à la créativité. Nous sommes convaincues que c’est possible !

Appréhender la jungle des labels pour faire évoluer nos pratiques de consommation

Acheter du tissu ou acheter un vêtement c’est donc acheter un produit hautement polluant, la plupart du temps sans en avoir conscience. Nous avons plus conscience de polluer en faisant le plein à la pompe à essence qu’en achetant un tee-shirt de coton ou un mètre de viscose. Comprendre que les deux gestes polluent de la même façon nous oblige :

– d’une part à raisonner notre consommation : si vous n’utilisez pas votre voiture pour parcourir 100 mètres, vous n’achèterez peut être plus trois mètres de tissu sans savoir qu’en faire au préalable « parce qu’avec trois mètres, on n’aura toujours assez »…

– d’autre part à nous intéresser aux fibres que nous consommons : nous n’allons pas cesser d’acheter du textile, nous allons simplement chercher à acheter moins et mieux… mais poser la question du mieux, c’est inévitablement poser la question des labels, des chartes, des certifications ; vouloir acheter mieux est une chose, savoir quoi acheter en est une autre.

On entend de plus en plus parler du concept de « greenwashing » : face à l’éveil des consciences et l’intérêt croissant des consommateurs pour connaître l’origine et l’empreinte environnementale de ce qu’ils consomment, certaines marques choisissent d’afficher en étendard leur bonne conscience écolo à coup de labels en tout genre, de charte d’engagements multiples et variés, de certifications auto-délivrée… mais il ne suffit pas d’affirmer être « vert » pour laver plus blanc que blanc (rappelons d’ailleurs que les agents de blanchiment sont toxiques et polluants).

Voici quelque uns des labels auxquels vous êtes le plus fréquemment confronté.es et ce qu’ils signifient exactement. 

  • Max Havelaar
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Il s’agit d’un label de consommation éthique puisqu’il garantit que le produit que vous achetez répond aux critères internationaux de commerce équitable tant en matière de conditions de production que de rémunération du producteur.
Ce label, est donc appliqué à certains cotons qui doivent remplir les critères suivants : culture traditionnelle et pluviale (plutôt qu’intensive et irriguée) , exploitations familiales, récolte manuelle, sans utilisation de semences OGM. Un prix mimimum d’achat au producteur est garanti et une prime de développement peut être versée.
Le label Max Havelaar ne vous garantit pas pour autant un coton biologique mais outre l’exigence de conditions de travail correctes pour les ouvriers, quelques critères du label concernent l’environnement : les producteurs s’engagent notamment à limiter leurs recours aux pesticides, aux engrais de synthèse etc.
Vous trouverez peu de textiles au mètre labellisés Max Havelaar : le coton est utilisé directement par les marques de vêtements, notamment de vêtements bébé. C’est un label qui vous est donc plutôt utile dans le cadre d’une consommation de vêtements finis.

  • Label et certification Oëko tex
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La notoriété de la certification Oëko Tex suffit souvent à nous convaincre que nous faisons un achat écologiquement responsable. La réalité est plus complexe. Un tissu biologique est la plupart du temps certifié Oëko Tex mais à l’inverse la certification Oëko Tex n’est pas garant du fait qu’un textile soit bio : un textile synthétique peut tout à fait être certifié Oëko Tex.

Ce label, créé en 1992, garantit que les tissus certifiés respectent des seuils réglementaires de substances polluantes, cancérigènes et allergènes. La certification Oëko-tex standard 100 impose de ne pas utiliser les substances suivantes :
– Métaux lourds
– Phtalates, benzènes
– Colorants allergènes ou cancérigènes
Par ailleurs cette certification limite l’utilisation des pesticides. Enfin, cette certification impose :
– Une valeur PH des produits utilisés compatibles avec les peaux sensibles
– Des processus d’économie de l’énergie dans la confection

Ce label ne garantit donc pas la confection biologique d’un textile ou d’un vêtement : un polyester peut être certifié alors même que par essence un polyester ne pourra jamais être biologique.
Ce label est donc un label sérieux, fiable, dont les obligations sont réelles mais qui ne peut pas se substituer à une certification biologique. Choisir un textile Oëko tex vous assure de choisir un textile à faible risque allergène et dont la confection n’aura pas nécessité l’utilisation de produits nocifs pour la santé en quantité excessive.

  • Label EU Ecolabel Européen Textile
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 Ce label peut être utilisé par les entreprises des pays membres de l’Union européenne pour les vêtements ou les textiles. Géré par la Commission européenne, il exige :
– Pour les vêtements et textiles en coton, un pourcentage minimum de coton bio ; dans les cas des vêtements destinés aux enfants de moins de 3 ans, ce pourcentage est de 95% de coton biologique minimum
– Pour les textiles ou les produits finis contenant du polyester, un pourcentage minimum de fibres PET recyclées

  • Le cas très particulier de la Better Cotton Initiative (BCI)
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La Better Coton Initiative est une association ayant élaboré un programme d’accompagnement des producteurs de coton. Ce n’est donc ni un label ni une certification. Ce programme a pourtant modifié en profondeur le marché du coton dans les dix dernières années.

Le coton produit dans le cadre du programme BCI doit répondre à des critères de production et être évalué et contrôlé régulièrement afin d’appréhender les progrès accomplis par les producteurs de coton. Le programme BCI impose aux producteurs une série d’exigences minimales à satisfaire mais n’interdit en aucun cas :
– L’utilisation du coton BT (semences OGM donc)
– L’utilisation de pesticides, d’herbicides et d’insecticides
– L’irrigation
D’un point de vue social, la BCI réaffirme les droits syndicaux, l’interdiction du travail des enfants et du travail forcé et exige que les producteurs respectent les minimum et maximum légaux imposés par la législation de leur pays en matière de salaire et de temps de travail.

Le programme BCI est donc un programme « technologiquement neutre », c’est-à-dire qui n’interdit ni n’encourage l’utilisation de semences BT et qui ne bannit en aucun cas l’utilisation de produits chimiques. Faire partie du programme BCI implique simplement pour les agriculteurs de suivre une formation les encourageant à réduire leur utilisation de pesticides ou d’herbicides. La Better Cotton Initiative est donc beaucoup moins contraignante pour les producteurs qu’un label bio. Par ailleurs leurs progrès sur les chemins escarpés du développement durables sont contrôlés à l’aune d’une grille d’auto-évaluation…

Pourtant, depuis la mise en place effective du programme BCI (2009) on assiste à une croissance continue de la production de coton BCI: 19% de la production mondiale de coton constitue du coton BCI et ¼ de la production de coton BCI est achetée par des grands groupes au rang desquels IKEA, H&M (Hennes&Mauritz AB), Adidas, Nike inc, Gap Inc., Burberry, Zara et Zara Home, Massimo Dutti, Esprit, Asos, C&A, Tommy Hilfiger, Lévis Strauss, Oysho, Pull and Bear etc.
À l’inverse la production de coton biologique baisse malgré l’augmentation de la demande et ce depuis 2009…. alors qu’elle représentait près de 8% de la production mondiale à la fin de la précédente décennie, elle ne représente plus que 0,5% de la production en 2017.

Il est difficile de ne pas établir de corrélation entre cette progression du coton BCI d’un côté et la régression du coton bio de l’autre. Sans pouvoir être formelles, nous constatons que de nombreux producteurs anciennement biologiques sont passés en production BCI… on assiste donc à une régression technologique chez ces producteurs : retour des produits chimiques et des semences OGM alors même que la BCI prétend promouvoir le développement durable.

Outre la menace majeure que semble constituer le programme BCI pour le coton biologique, son fonctionnement repose sur un système de « balance de masse ». Cela signifie que lorsqu’une usine de filature achète du X tonnes de coton BCI, elle dispose d’un crédit d’unités BCI équivalent. En d’autres termes, si une usine de filature achète 100 tonnes de coton BCI, elle est créditée de 100 unités BCI. Libre à elle ensuite de faire du fil exclusivement BCI, ou du fil contenant 10% de coton BCI ou du fil n’en contentant pas du tout. Dans tous les cas, ce coton sera labellisé BCI tant que l’entreprise est créditrice d’unités BCI. Les usines de confection pourront donc acheter du coton BCI aux usines de filatures et de tissage même si le produit qui leur est livré n’en contient pas du tout. En d’autres termes, vous pouvez acheter un vêtement fini labellisé BCI sur l’étiquette sans que cela ne vous renseigne en rien sur la provenance et la qualité du coton. Vous pouvez donc porter un vêtement composé à 100% de coton ouzbek, labellisé BCI, alors même que la BCI interdit le travail forcé tandis que l’Ouzbékistan le pratique en masse…

  •  La certification GOTS
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Les labels GOTS existent depuis 2009 : ils constituent un système de certification textiles garantissant non seulement l’origine biologique des fibres mais aussi le respect de procédés de production environnementalement et socialement responsables à toutes les étapes de la transformation textiles.

La norme Globale Organic Textil Standard est reconnue comme étant la norme de référence pour la fabrication durable de vêtements et de textiles confectionnés à partir de fibres issues de l’agriculture biologique telles que le coton et la laine biologique à hauteur de 70% minimum. Le référentiels GOTS dispose aussi de normes strictes concernant l’ensemble de la chaîne de production textile : seuls les produits chimiques à faible impact pour ne pas nuire à la santé des consommateurs et des travailleurs ; le référentiel GOTS inclut également des restrictions sévères en matière de traitement des eaux usées, il exige la mise en place d’objectifs ciblés et de procédures pour réduire la consommation d’eau et d’énergie. Enfin, les critères sociaux fixés par les conventions fondamentales de l’OIT doivent être respectés.

L’ensemble de ce référentiel et de ces critères sont régulièrement contrôlés par des certificateurs indépendants. Aujourd’hui seule la certification GOTS garantit non seulement la fibre mais l’ensemble de la chaîne de production. En effet vous pouvez acheter du textile labellisé bio (par exemple du coton certifié OCS organic cotton standard) dont la fibre sera effectivement bio mais pas le processus de fabrication du textile et du vêtement utilisé par la suite.

Si vous ne deviez retenir qu’un seul label ce serait donc le label GOTS ! Deux niveaux de certification GOTS existent :
– le niveau 1 « textiles bioniques » qui vous assure la présence de 95% de fibres biologiques certifiées a minima et moins de 5% de fibres artificielles ou synthétiques ;
– le niveau 2 : textiles composés de X% de fibres biologiques qui vous assure la présence de 70% de fibres biologiques certifiées a minima, 30% maximum de fibres non biologiques dont 10% au plus pour les fibres synthétiques (exceptions faites, des chaussettes, des caleçons longs, des vêtements de sports).

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Concrètement quelles solutions adopter en tant que consommateur.ice.s textiles ?

Nous sommes loins d’avoir exploré l’ensemble des labels existants, mais il était important de discerner les différences majeures de signification des plus connus d’entre eux et de pouvoir établir quelles étaient les réalités qu’ils recouvraient. Il s’agit ensuite de faire des choix selon deux grilles de critères : le critère de la fibre que vous sélectionnez et le critère du biologique et/ou du «conventionnel». Si nous devions établir un classement bête et méchant des fibres, ainsi que des labels et des certifications :

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Il s’agit ensuite de croiser ces deux classements pour obtenir un indicateur global :

1/Lin, chanvre et ramie certifiés biologiques

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Bien entendu, il est difficile pour nous de vous dire de vous en tenir aux trois premiers type de textiles de ce classement et de ne plus rien acheter d’autre. Nous n’allons pas non plus nous mettre à faire du greenwashing et créer une charte artesane où nous nous engageons à n’acheter que du biologique ou du coton BCI pour nous donner bonne conscience.

Nous vous proposons donc d’être plus pragmatiques : pendant un an, nous allons étudier nos habitudes de consommation. Selon nos besoins pour les prototypes et les tournages des cours vidéo Artesane, nous allons systématiquement essayer de choisir la meilleure alternative possible au vue de nos contraintes techniques et artistiques. C’est bien sûr cette alternative que nous vous recommanderons. Au bout d’un an, nous aurons sans doute une bien meilleure appréhension de l’offre à notre disposition et serons en mesure de faire un bilan dans ce même magazine (si les dieux des magazines lui prêtent vie !).

D’ici là, nous pouvons sans hésiter vous recommander plusieurs adresses pour vous fournir :
– Vous pouvez vous fournir directement chez l’éditrice textile Amandine Cha dont l’ensemble des textiles sont en fibres naturelles certifiées GOTS par le certificateur indépendant Eco-Cert; les tissus d’Amandine sont par ailleurs tissés, teints et imprimés en France. Vous y trouverez essentiellement du coton.
– La mercerie en ligne Fil-Etik vous propose des cotons, des laines et des tencel (procédé Lyocell) tous certifiés GOTS.
– La mercerie en ligne Cousu Bio : nous l’avons découvert à l’occasion de cette enquête et n’avons pas encore eu l’occasion de tester les textiles proposés : l’offre est certifiée GOTS et ne concerne donc que des cotons ou des laines
– Vous trouvez par ailleurs des tissus bio et/ou Oëko Tex sur les merceries en ligne Cousette, Pretty Mercerie et Mondial Tissus.

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